
Le palais du chocolat
Par la rédaction, le
On y entre par une porte pratiquée dans une gigantesque tablette pour se retrouver plongé dans une ambiance cacaoyère. La nouvelle chocolaterie de Jacques Bockel, qui ouvrira son espace de vente lundi dans la zone du Martelberg, flatte l’œil autant que le palais.
Si le terrible incendie qui a complètement détruit la chocolaterie savernoise en juillet 2014 peut finalement révéler le bon côté de sa médaille (en chocolat bien sûr…), c’est d’avoir permis à Jacques Bockel de réaliser ce dont il rêvait depuis longtemps : une nouvelle chocolaterie aux dimensions de ses ambitions.
Après bien des péripéties, incluant une période de transition de deux ans au sein de la Maison des entrepreneurs, qui ne l’a pas empêché d’ouvrir de nouvelles boutiques à Colmar, Nancy et dans la galerie Auchan à Strasbourg-Hautepierre, il réalise un projet hors norme : un espace de production et de show, où il compte faire venir les amateurs de chocolat par cars entiers.
« On veut transporter les gens dans une forêt de cacaoyers »
Le bâtiment, déjà, en met plein la vue. Aux couleurs de Jacques Bockel (murs extérieurs brun cacaos bardés en haut de vert pomme, le tout représentant « un arbre avec le tronc et les feuilles », fait remarquer le patron), il s’étend en deux niveaux sur 3600m2. Soit le triple de la surface disponible dans les anciens locaux du quartier des Sources. Cela signifie plus de place pour travailler, un vaste espace de vente, des commodités pour les salariés comme une salle de détente ou une cuisine donnant sur une terrasse ainsi qu’un hall de stockage de 800m2.
Pour les groupes de visiteurs, toutefois, l’intérêt est ailleurs. Car l’endroit est non seulement un outil de production, mais aussi un espace de show. « On veut transporter les gens dans une forêt de cacaoyers », indique Matthieu Domeneghetty, associé de Jacques Bockel avec Jérémy Bockel et Véronique Schott. « On voulait montrer ce qu’on n’est pas capable de montrer ici, tout ce qui se passe avant la production. »
On pourra en effet voir sur place, grâce à de larges fenêtres, le travail de fabrication en direct : « Tout est vitré, on montre tout », insiste Jacques Bockel. Mais le plus impressionnant devrait être cette expérience d’immersion dans une salle de cinéma spécialement conçue pour la projection à 270°, grâce à sept vidéoprojecteurs, d’un film original d’une vingtaine de minutes en trois langues (français, allemand, anglais).
Sur l’investissement total de 3 millions d’euros, « il y a 150 000 euros juste pour la salle de cinéma », précise le fondateur de l’entreprise. « Ce que je voulais, c’est que quand les gens entrent, ils soient ailleurs, qu’ils voyagent l’espace d’un instant ». Car « tout ce bâtiment a été conçu pour la visite des bus », avec deux grands parkings dédiés et une destination inscrite dans « les circuits des autocaristes ».
Dès l’entrée, de chaque côté du hall d’accueil, les touristes gourmands sont accueillis par deux sculptures en bronze de l’artiste toulousain Emmanuel Michel, représentant des travailleurs dans une plantation de cacao – les troncs et les feuilles des arbres sont artificiels, mais on a tout de même envie de toucher pour vérifier…
En déambulant, on foule un plancher de fèves de cacao sous verre, au son des cris d’oiseaux exotiques et entouré par des murs entièrement peints aux couleurs d’une forêt tropicale. Un escalier mène aux bureaux et à l’espace de stockage. En bas, à gauche, on pénètre dans la salle de projection. À droite, c’est la production. Celle-ci est réalisée sur place depuis le 16 août pour l’ensemble des boutiques Bockel (les deux savernoises, les deux strasbourgeoises, Colmar, Metz et Nancy) dans des espaces spécialement adaptés incluant de nouvelles machines. Notamment pour le Nut’Alsace, fameuse pâte à tartiner qui « commence vraiment à être notre produit phare », avec 22 tonnes produites en 2015 sur un total d’une centaine sortie des ateliers Bockel.
Encore de nouvelles boutiques
Malgré les aléas de la vie de la société, le chiffre d’affaires de l’an dernier (6 millions d’euros) a doublé par rapport à la situation qui prévalait avant l’incendie, grâce essentiellement à l’ouverture des nouvelles boutiques ces dernières années, bientôt suivies en ce mois de septembre par celles de Mulhouse et de Troyes.
La situation de la nouvelle chocolaterie au Martelberg, avec son espace de vente vaste et fourni, pourrait contribuer à développer encore les débouchés ces prochains mois. Un site où travaillent 25 des 42 salariés de Bockel. « On a déjà créé cinq emplois, il y en aura encore trois d’ici Pâques. » Tous embauchés en CDI avec annualisation du temps de travail en fonction des saisonnalités du produit.
Et pour les traiter aux petits oignons, le patron créera bientôt un poste « mi-cuisinier, mi-chocolatier. Le matin, il fait la cuisine pour les gens qui travaillent, l’après-midi il travaille dans la chocolaterie. » Le patron aussi s’est réservé une petite gâterie. Son bureau a été décoré d’un sol en teck et d’une voile de bateau montée du mur au plafond, illustrant l’une de ses autres passions, en plus de la moto : la voile. « Des petits chefs d’entreprise comme nous, j’aime nous comparer à des capitaines : sans l’équipage, votre bateau, il ne sert à rien. »
Un capitaine qui a pas mal bourlingué, faisant résolument face aux vents de la tempête. « J’avais 55 ans quand ça a brûlé », se souvient-il. Deux ans plus tard, il ne craint pas d’afficher sa « fierté ». « C’est une revanche, une victoire sur l’adversité, le hasard, la malchance. Un combat d’homme à homme face à la fatalité. Aujourd’hui, j’ai gagné. » Enfin, pas encore… « Maintenant il faut rembourser. Cette bataille-là ne fait que commencer. »
Alors il a déjà repris sa meilleure arme : la créativité. Il songe à « des desserts glacés pour Noël, des vacherins individuels » avec une garniture « à choisir ». « L’image que nous avons avec le chocolat, j’aimerais la même avec la glace », explique-t-il. Il prépare aussi l’aménagement paysager du site, où il veut planter « 80 arbres ». Il cherche aussi des terrains, à proximité, pour planter cette fois uniquement des noisetiers. Pour « faire des animations » et les employer dans sa production. Avec un espace de torréfaction qu’il imagine déjà implanter en annexe du bâtiment, il rêve de fabriquer « un chocolat 100 % français », grâce à un contact avec des planteurs de La Réunion.
Et parlant d’arbres, Jacques Bockel n’oublie pas ses racines. Derrière l’une des vitres donnant sur un bureau situé derrière les caisses, on peut voir un imposant meuble en bois, dont l’aspect défraîchi dépare avec l’aspect tout neuf de l’ensemble. C’est « l’ancien comptoir de vente des Sources », seul rescapé de l’incendie. En évidence, on peut aussi admirer une collection d’anciens moules en fer-blanc, qu’il a lui-même glanés au fil des ans et dont il s’est réservé la mise en place.
Et tout en haut, au bout du couloir, devant les bureaux des jeunes appelés un jour à diriger seuls la société, une aquarelle d’un style naïf représentant Jacques Bockel lui-même. Le Bockel d’origine, celui qui dès 1985 faisait le tour des foires et marchés dans le barnum Jacoponi. Elle aussi, il a voulu la garder, « pour qu’on n’oublie pas d’où on vient ».
Source : dna.fr >> Saverne-Monswiller >> 08.09.2016 >> Emmanuel VIAU
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